Agenouillée au milieu de la pièce, Veronika regardait dans le vide, la bouche légèrement entrouverte, aucun son n’y sortant. Sa gorge brûlait d’avoir autant pleuré et crié. Elle avait exprimé son désarroi, sa peine et son incrédulité et maintenant elle était tout simplement vidée. Les dossiers que contenait la clé usb d’Alliser lui avait révélé la terrible vérité. Elle n’avait pas voulu y croire lorsqu’il le lui avait dit, mais elle n’avait pas eu le choix lorsque les preuves s’étaient affichées devant ses yeux. Son père, celui qu’elle avait admirait pendant son enfance était réellement une pourriture. Est-ce que sa mère l’avait su ? Veronika l’ignorait. La jeune femme restait tout de même dans l’incompréhension la plus totale. Comment un père de famille, tendre et protecteur avec sa petite fille, pouvait être le roi d’un réseau de trafic de jeunes filles qui, pour certaines, venaient à peine d’entrer dans l’adolescence ? Comment avait-il pu commettre ces choses horribles ? Il n’avait pas été un simple malfras à la tête d’un réseau de drogues. Non, il vendait des filles, des pauvres gamines des pays de l’Est qui étaient paumées et réduites à l’esclavage.
Le choc avait été grand pour Veronika. Ses quelques souvenirs de son père ne valaient plus rien désormais. Sa vie n’avait plus aucun sens. Si bien qu’elle avait besoin d’air, elle avait besoin de sortir de cette ville, de quitter sa vie pour quelques temps. Elle était partie du SHIELD sans leur dire où elle irait, puisqu’elle ne le savait même pas elle-même. Elle y reviendrait, mais pas tout de suite. Ils pouvaient bien se passer d’elle pour quelques semaines. De toute façon, dans l’état d’esprit dans lequel elle se trouvait, elle n’était pas du tout productive. A vrai dire, elle aurait même pu être dangereuse pour eux sur le terrain. Elle avait donc pris les devants avant qu’on ne la mette à pieds pour quelques temps.
La voilà donc qui était à Singapour, sur une île paumée au milieu de nulle part. Ici, personne ne viendrait la chercher. Ca tombait bien puisqu’elle voulait être seule. Seule face aux démons de son passé. Finalement, Alliser avait raison, elle aurait préféré ne pas savoir la vérité. Mais c’était trop tard pour exprimer des regrets. Elle ne pardonnait pas son mentor pour le meurtre de son père pour autant. Le regard fixé sur l’horizon, Veronika ne savait même plus qui elle était à présent à part la fille d’un horrible homme. Elle ne savait pourtant pas si elle devait le détester ou continuer à garder les bons souvenirs de cet homme qui était autrefois son père. Elle ne savait plus grand-chose à vrai dire. Si elle savait lire, c’était grâce à son père. Si elle savait parler et écrire le russe, c’était aussi grâce à lui. Avait-elle aussi hérité de ses mauvais côtés ? Elle n’en avait aucune idée. Perdue dans ses réflexions, elle n’entendit pas tout de suite les pas dans le sable derrière elle. Ce fut seulement lorsqu’il prit place à ses côtés, qu’elle prit conscience qu’elle n’était plus toute seule. Même ici, il la suivait.
« Laisse-moi tranquille Alliser. »
Elle n’avait même plus la force de se battre pour le repousser comme elle le devait. Pourtant elle avait besoin d’être seule. Du moins c’est ce qu’elle croyait. Au fond, même si elle refusait d’y croire ou de l’admettre, elle avait besoin de lui. Parce qu’il ne restait plus que lui dans sa vie, parce qu’il la connaissait mieux qu’elle ne se connaissait elle-même. Parce qu’il était à même de la comprendre et de pouvoir l’aider à faire face à cette situation.
« Pourquoi est-ce que tu ne me l’as jamais dit ? Tu savais que je l’admirais et que je le prenais pour modèle. Pourtant, toi tu savais la vérité, depuis le début… »
A vrai dire, elle ne savait pas si cela aurait changé grand-chose. Mais elle se disait que peut-être, si elle avait connu la vérité plus tôt, il aurait été beaucoup plus facile de l’accepter.